Fransoize

Fransoize

Vacances chez grand mère

  Vacances chez grand mère Clémentine

 

 

     Henri a 7 ans et demi.

          Il vient d'arriver en vacances comme chaque année chez sa grand mère à la Guérinière. 

 

          La maison, elle est tout en long et il n'y a pas d'étage. Elle est toute blanche et c'est joli quand il y a du soleil. Du coté de la rue, les fenêtres sont petites avec leurs volets bleus, mais derrière, des grandes portes vitrées donnent sur la cour.

          Henri pense que grand mère ne doit pas aimer beaucoup les fleurs , y'en n'a presque pas, c'est pas comme chez  lui ou maman en plante des potées de toutes les couleurs.

 

          La maison est à moins de cent mètres de la plage, sans route à traverser. Ce qu'il préfère, c'est la plage parce que chez lui, y'a pas la mer. Toute cette eau, ça le submerge d'émotions diverses, il rêve de pirates et il construit avec du sable mouillé, des châteaux forts pour accueillir les marins en détresse. Il est tour à tour capitaine, corsaire ou bien Robinson Crusoé....

          Ce matin, il ne sait pas ce que vont vouloir faire papa et maman. Maman, elle, elle dit que c'est toujours un peu pareil et qu'elle n'a pas envie de rester plus d'une semaine. Papa, lui, il est né ici, alors il est chez lui, il aime bien...

 

          Henri s'est réveillé tôt et a sorti tous les jouets du coffre mais il en a marre de jouer tout seul dans sa chambre, il descend les marches en chaussettes, ça glisse...il descend les dernières marches sur les fesses et voit ses parents discuter. Quelque chose le retient de se montrer.

 

          Maman relève le nez de son journal et crie tant qu'assez fort

 

          « Qu'est ce que je les envie  de parler comme ça de jalousie. Jalousie par ci, jalousie par là, tu ne pourrais pas mettre un peu plus de jalousie dans  notre quotidien. 

          Ça fait 20 ans que je t'entend dire   -- la jalousie, c'est pas mon truc,--   mais qu'est ce que 

j'pourrais bien faire pour réveiller la monotonie  et mettre un peu d' soleil dans notre vie de tous les jours, ça s'rait chouette si tu voyais rouge un bon coup, de temps en temps.

          Regarde, la star, elle réclame deux millions d'euros à son mari parce qu'on l'a vu dans l'journal à coté d'une call girl.....ça au moins, c'est d'la  jalousie ! »

 

          Henri est là, dans un coin de la pièce et entend ses parents se chamailler. Personne n'est en colère, maman a même plutôt envie de rire en parlant.

          Il se ditSi la jalousie, c'est pas le truc de papa, moi, je pourrais peut être en trouver quelque part,  pour faire plaisir à maman.

 

          « Ah, mon chaton ( Il a horreur que maman l'appelle mon chaton, il est vraiment trop grand maintenant ) mon petit ange, mon bébé (ah non, pas mon bébé!) te voilà, viens déjeuner. Tu veux des céréales ou des tartines ? »

          Il opte pour les tartines parce que, chez grand mère, il y a du nutella...la la la.

 

          « Antoine a dit qu'il irait à la plage ce matin, est ce que je peux aller avec lui, s'il te plait ? »

          « Pourquoi pas, mon chéri, on n'a rien  prévu de spécial  ce matin, tu feras bien attention, la marée est haute, je te rejoindrai tout à l'heure pour me baigner »

 

          Maman, ce qu'elle préfère, c'est se jeter dans l'eau, nager ou bien apporter un ballon et faire une partie de volley avec papa, mais Henri ne sait pas nager alors il ne se  baigne pas tout seul.

 

          Déjeuner vite avalé, le gamin a autre chose en tête, il enfile tee shirt et short et se dépèche pour retrouver son copain Antoine sur le chemin de la plage

Dis, Antoine, c'est quoi la jalousie ?

Ben, j'sais pas vraiment, p't'et' bien que c'est quand t'as pas quequ'chose que les autres ont.

          Henri repart dans ses pensées......

                                                Quequ'chose que maman voudrait et que papa lui donne pas ou bien quequ'chose que maman a et que papa voudrait bien avoir....ou bien...j'y comprend rien ! 

 

          L'après midi passe vite et Henri n'a rien écouté du tout. Il serait bien incapable de dire ce qu'a raconté la monitrice de voile. C'est cette histoire de jalousie qui le travaille. Il s'en va directement chez sa grand mère, papa et maman ne sont pas rentrés .

 

                          – Grand mère, maman voudrait que papa ait de la jalousie mais papa il en a pas 

 

                          – Ah bon, ta maman pense ça ?

                          – Ben oui

          La grand mère ne sait pas quoi penser  – Qu'est ce que tu racontes, elle a dit qu'il devrait être jaloux, mais de quoi, grand dieux ?

 

                          – Dis, grand mère, c'est quoi jaloux ?

 

                          –  Ca veut dire envieux

 

                          –  J'y comprend rien. C'est maman qui veut que papa il ait envie de quequ'chose 

                                                                 que papa soit envieux

                                                                 que papa soit jaloux

                                                                 que papa il apporte de la jalousie

 

          Cette histoire de jalousie commence à travailler la bonne grand mère qui imagine bien vite des problèmes dans le couple

 

          Mon fils n'est pas un saint, mais je croyais qu'ils étaient heureux. Est ce que ma belle fille aurait un amant ? Que faire ?

 

          Clémentine, c'est la grand mère , décide d'organiser les vacances à sa façon, afin de surveiller discrètement ses tourtereaux.

          « Les enfants, il y a longtemps que je n'ai pas fait de balade dans l'île. J'aimerais voir comment ils ont décoré le château » 

 

          Un peu surpris, les enfants, mais, le château, pourquoi pas ?

 

          Il fait beau, alors le château, on le voit bien. Henri se serait ennuyé à la visite si la forme du château ne lui avait pas donné envie d'en contruire un pareil. Tout carré, avec des petites fenêtres et deux chapeaux sur les tours. En plus, il est tout peint en blanc, comme la maison de grand mère.

          Les adultes ont parlé d'histoire, de guerre, d'une ''tigresse'' qui avait habité là, enfin, des trucs pas intéressants pour un petit garçon.

          « Grand mère, quand est-ce qu'on rentre ? »

 

           « Allez on y va. Ce soir, je vous fais des crêpes, puis on ira au cinéma »

           «  Dis donc, je croyais que ta bronchite chronique te fatiguait beaucoup, je vois que ça va mieux ! »

          Henri  est tout content, grand mère fait plein de trucs nouveaux, il n'a jamais vu autant de choses.

          Un jour dans  les marais salants, maman a acheté de la fleur de sel, même qu'il a vu le saunier faire sa récolte avec une espèce de rateau bizarre. Il a essayé de s'en servir, mais c'était trop lourd. Papa, lui arrivait à le prendre en main mais il ne récoltait rien du tout.

          Clémentine n'avait jamais semblé aussi active, elle voulait tout revoir et montrer « son » île à Henri et ses parents.

 

          Un autre jour, ils sont allés chercher des pommes de terre nouvelles. Ça n'était plus la saison des bonnottes, sinon je crois qu'ils auraient saisi la fourche pour voir jaillir hors de terre les savoureux tubercules ( Paroles de grand mère Clémentine ). Début  Août, il y a encore des « sinéma », non, des « sitéma », non, ça commence comme « Sire comme le roi », faut que je demande à grand mère

          « Des Sirtema, mon grand »

          Henri est heureux, grand mère a toujours réponse à tout, et puis elle l'appelle « Mon Grand » !

 

          Henri pense toujours à cette histoire de jalousie, mais il ne peut en parler à personne..

          « Grand mère, la jalousie... »

          « Ne t'inquiètes pas pour ça, mon chéri, c'est une histoire d'adultes...je m'en occupe... »

 

          Grand mère s'en occupe, d'accord, mais c'est quand même lui qui en a entendu parler le premier ! S'il pouvait faire quelque chose...mais quoi .. ?

 

          Le téléphone sonne, c'est papa qui répond « Allo, oui,....... ah, bonjour Joseph........oui, on est là.........maman a prévu de nous faire visiter les ports de l'île..........c'est pour l'éducation d'Henri, paraît il.....  OK, on vous attend pour déjeuner »

 

          Maman n'a pas l'air contente, Clémentine veut faire plein de courses et plein de cuisine, on dirait qu'elles ne font plus rien l'une sans l'autre.

 

          Henri, lui, est content c'est la plage qui l'attend, et c'est encore mieux que toutes les promenades de grand mère. Antoine est toujours dans le coin, son père est marin pécheur. Leurs deux grand pères travaillaient sur le même bateau , mais papa n'est pas resté sur l'île après l'école, il  a connu maman et sont partis loin, là où il y avait du travail. Henri est né à Saint Aignan sur Cher, une jolie ville au bord d'une rivière. 

 

          Aujourd'hui, ils vont construire un bateau énorme, tout en sable, avec des bouts de bois, ils feront les mats, avec des coquillages, ils feront des hublots et Antoine a pris son mouchoir pour faire une voile.

 

          Avant même de commencer, ils discutent comme deux ingénieurs de la meilleure façon de creuser.....C'est génial, ils ont toute la matinée.....

 

          Antoine sort un papier froissé de sa poche et le tend à son copain. « Tiens, j'ai copié les définitions de jaloux    1 Qui éprouve de la jalousie en amour

                                     2 Qui éprouve du dépit devant les avantages des autres, envieux.

                                     3  Très attaché à ( se montrer jaloux de son  autorité.) »

 

          «  T'as pas copié Jalousie ? »

          «  Ben non, j'ai pas pensé ! »  

          «  Bof, tant pis, c'est déjà bien. De la jalousie en amour, ça veut dire quoi ? Envieux, ça, je sais ce que c'est ! En fait, j'me souviens plus exactement c'qu'elle a dit, maman

          Maman a envie de quelque chose que papa lui donne pas ! P't'être que c'est trop cher, ou qu''il en  a pas trouvé... »

          « oui, p't'ête.. »

 

         Le bateau fait au moins un mètre de long, ils ont vu grand, les garçons. Pour l'instant, ça ressemble à une barque avec l'avant pointu. Henri voulait du pointu des deux cotés comme sur la rivière, mais Antoine a dit « non ! C'est pas pointu derrière ! » C'est qu'il les connait, lui, les bateaux, il vit ici toute l'année.

          Maintenant, ils se chamaillent parce que Henri veut un bateau de guerre et Antoine un bateau de pèche « on va faire un bateau de guerre, mais comme c'est pas la guerre, les marins, y feront la pèche  pour s'occuper»  C'est OK !!

 

          Donc il y a un canon (un gros morceau de bois ) pour le guerrier et une cabine et un filet (des algues ) pour le marin.

          C'est donc fiers et excités qu'ils repartent vers la maison quand la faim les tenaille.

 

          « Ah, vous voilà, galopins, » dit Clémentine, « Tout est près pour les Doryphores..y'z'ont plus qu'à débarquer... »

          « C'est quoi, des doryphores grand mère ? »

          « C'est des insectes étrangers qui viennent manger nos pommes de terre ».

Et elle éclate de rire. C'est des fois difficile de comprendre les adultes.

 

          Repas festif, tout le monde est gai, ravi de se retrouver, même que le tonton est rond comme une pelle (c'est papa qui l'a dit)  et les voilà partis  « autrefois, c'était comme ci, autrefois, c'était comme ça.... »

          Clémentine débarasse la table et dit « Allez, vos vieilles histoires de marins, ça suffit comme ça, on va visiter le port et revenir à la vie d'aujourd'hui ! »

 

          Sitôt dit, sitôt fait, tout le monde se lève et enfile les '' K Way'' à cause du vent. Clémentine sort son beau ciré jaune.

 

          Vu que ce sont des touristes, on commence par le port de Noirmoutier. Rien à dire...c'est beau.

 

          Le port de l'Herbaudière est bien plus important, d'un coté, un port de pèche moderne en eau profonde, et de l'autre un port de plaisance....Ouah, les jolis bateaux. Henri rêve de monter dessus....

          Clémentine dit que ça, ce serait drôlement intéressant, de développer les promenades en mer . Les touristere en raffoleraient, soit pour la balade, soit pour la pèche...c'est à étudier !!!

 

          En attendant, elle en dégote un de bateau, et c'est parti pour  se mouiller, vu qu'il fait du vent, ça bouge et l'eau sur le pont nous ferait croire qu'il pleut alors que le ciel est d'un bleu d'azur.

          Sur qu'on va revenir avec la peau toute rouge avec ce temps là...

          On n'a pas le temps de voir le port de Morin, on a vu assez de bateaux comme ça.

 

          Pas de crêpes ce soir, et au lit très tôt, la journée a été harassante .

 

          C'est triste, papa et maman parlent de refaire les sacs, on est pourtant bien ici.grand mère a l'air un peu fatiguée, mais c'est quand même elle qui décide « ce sera marée basse à 13heures, allez, les fainéants, on va à la palourde »

          Clémentine est une ''As'' de la palourde et elle raconte sa jeunesse, quand c'était son métier. Pendant les longues heures que grand père passait sur son bateau, grand mère allait à marée basse ramasser les palourdes...pas pour les manger, mais pour les vendre à la criée. Peu importe l'heure, la marée basse, c'était sacré, même que des fois, avec la pleine lune, elle y allait la nuit !

 

          Elle parle des grandes marées, mais souvent il y a trop de monde, les gens viennent de loin et saccagent les plages. Une palourde, ça se repère sur une plage lissée par la marée qui descend. Un tout petit trou minuscule et tout rond, et hop, tu vas la chercher avec une petite pelle et tu la remontes. Y'a un coup à prendre, mais y'a surtout un coup d'oeil de pro....Henri dit qu'il est le roi de la palourde et tout le monde applaudit.

 

          Ce soir, on les mange fraîches avec du pain, du beurre et un bon verre de vin ( pour les grands, Henri préfère la grenadine ) Tonton a apporté du gros plan.

 

          Demain Clémentine les fera au four, avec du beurre, du persil et de l'ail et ça embaumera toute la maison. Papa et maman dégustent et se regardent avec des yeux remplis de gourmandise.

 

          « Papa, si c'est marée basse, est ce qu'on partira par le Gois ? »

          «  Si on finit de manger assez tôt, d'accord, mais tu sais, le pont, c'est plus pratique, et puis les roues et le dessous de la voiture vont encore être pleins de sel.. »

          «  Et puis, on s'arrêtera pour voir la mer quand elle recouvre la route ? »

          «  A ce train là, on n'est pas arrivés.. »

          «  Oh, s'il te plait, papa. »   Quand c'est important, il ne faut jamais oublier le ''s'il te plait'' 

 

          Papa et maman n'ont jamais reparlé de la jalousie. Henri se dit qu'il n'y a que lui de sérieux dans cette maison, parce que, lui, ça le tracasse. Un peu moins avec le temps, d'accord, mais quand même, il aurait bien voulu avoir le fin mot de l'histoire avant de partir.

          Demain, après le déjeuner, ce sera trop tard.

 

          Grand mère veut qu'on passe la dernière matinée au Bois de la Chaise. Elle veut nous montrer la forêt des enfants avant d'aller à la plagede l'anse rougeavec ses cabines de plage. 

          « Mais, pourquoi, y 'n'a pas, un arbre, avec le nom de papa  et le mien dans ta forêt? »

 

          « Ton papa était déjà grand quand ils ont commencé à planter un arbre à la naissance de chaque enfant de l'île, et toi, tu n'es pas né ici... »

 

          Henri hausse les épaules, comme d'habitude, grand mère a réponse à tout ! Il se lance

 

          « Grand mère, est ce qu'on peut repartir tous les deux, juste nous deux , s'il te plait? »  Ça marche bien le ''s'il te plait''   « J'ai vu quelque chose, il faut que je te montre.. »

 

                                                                               

 

 

 

                                                             

 

       Henri est heureux , il chantonne en rapportant un gros paquet bien emballé 

avec du bolduc tout frisé et tout rouge. Qui sera le plus content, papa ou maman ?

 

          Hier, il a  vu chez Monsieur Bricolage,  sur la route de Noirmoutier en l'île,

        Soldes    50% sur les stores et les jalousies

  Il a tout raconté à grand mère qui l'a accompagné,

 même que grand mère, elle arrêtait pas de rigoler,

 

alors il a cassé sa tirelire, celle qu'il gardait pour acheter un nouveau vélo,

grand mère en a rajouté un peu 

et il en a  acheté une belle, toute rouge, 

          une jalousie pour que papa il voit rouge et que maman soit contente.

 

 

 

 

Vacances chez grand mère Clémentine                                                                                       



27/09/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres