Fransoize

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Le concours de dessin

Le concours de dessin

 

     Rêveries autour d'un grand « A »

 

 

                              EliAne

                                      

                                             

 

 

Eliane, accoudée au petit balcon de pierre,  regarde la Loire…

je dirais, se nourrit du spectacle permanent de la Loire.

Sa petite voiture l’a menée là, sans préméditation. Elle s’était arrêtée la veille au soir devant ce petit hôtel - Montsoreau – en pierre de tuffau .

Le bâtiment ne paie pas de mine mais Eliane a eu un réflexe romantique au souvenir de l’histoire de  Diane de Méridor ,

et elle s’est arrêtée , un point c’est tout .

 

 

Ce matin, ses pensées flânent. «  J’aime le mois d’Août  » se dit-elle. Surprise de ses pensées errantes,

Eliane songe à son mari Simon et une vague de tendresse la submerge.

 

Simon, c’est toute sa vie. Que peut il bien faire à l’heure qu’il est ? Il n’a pas pu l’accompagner, alors elle a pris la route toute seule pour aller garder quelques jours ses petits enfants chez son fils.

La cinquantaine éclatante, Eliane est ce qu’on appelle une jolie femme.

 

Eliane et Simon habitent dans le quartier de la gare à Angers,

un coquet appartement au deuxième étage d’un immeuble du siècle dernier.

Ils ont fait la connaissance de Paul, un voisin,

à la pendaison de crémaillère d’un restaurant qui ouvrait en face de chez eux.  Paul et sa famille habitent au dessus du restaurant.

Paul est écrivain.

Plusieurs de ses livres ont fait la une des critiques et se sont vendus dans toutes les librairies importantes.

 

Eliane n’a pas osé dire ce soir là qu’elle n’avait jamais lu aucun de ces livres ni entendu parler de Paul Capucin. Quel bavard ! Mais quel art dans le bavardage !

 

Le spectacle devant les yeux d’Eliane la ravit, la pénètre jusqu’aux entrailles. D’accord, le ciel est bleu et elle a bien dormi.

Elle n’avait pas prévu de dormir ici mais, hier soir, la fatigue était trop grande et elle s’est arrêtée. Comme elle se sent bien de l’avoir fait ! Quelque chose en elle vibre avec les couleurs ;

Elle a envie de garder l’Image. … Un crayon de bois, une feuille de papier à lettres ….ça tombe bien, elle a emporté le grand bloc.

D’abord les contours de la rivière.

Son crayon glisse tout seul. Il y a la jonction avec la Vienne,

 

 

ce qui donne au fleuve une largeur impressionnante !

Ne pas s’attarder à gauche, le pont de chemin de fer un peu plus loin, n’est pas très esthétique. Non, en face : les berges ensablées, les buissons d’herbes hautes,

de saules et de peupliers, les bancs de sable vers le milieu du fleuve ,

le frémissement plus bleu plus pétillant de l’eau qui laisse deviner le chenal ;

les murs blancs qui se reflètent comme de grands cubes …

Rien ne lui échappe .

Paul a décrit la Loire avec ses mots,

Eliane dessine la Loire .

Elle murmure à nouveau «  j’aime le mois d’Août »

 

 

Eliane est préposée aux  P&T ….facteur autrement dit (ou factrice ?)

et, en Août, par le biais des restructurations de vacances,

elle dessert son quartier.

Chaque matin , elle croise Paul qui la guette et qui lui raconte …

une petite partie de ses œuvres , une petite partie de sa vie …

il a besoin d’un public , Paul , et en Août , il y a peu de journalistes , pas d’éditeurs , moins de curieux …..

il y a Eliane , et une profonde complicité s’installe entre eux .

 

Entre ses enfants en vacances et son mari qui travaille,

Eliane se sent un peu inutile , alors les rêves de Paul emplissent son esprit.

Elle est capable de comprendre, de s’enthousiasmer

mais aussi de critiquer tel ou tel nouveau chapitre ..

elle n’est pas forcément d’accord avec le fil de l’histoire …

Paul change parfois le fil de l’histoire , et Eliane devient écrivain .

 

En fait, non. Elle sait bien qu’elle écrit de manière plutôt simple   .   

Autrefois, elle a pris quelques cours de dessin,

et ça, elle sait qu’elle le fait plutôt bien.

 

Les histoires de Paul donnent des ailes à son crayon

qui dessine mieux qu’il ne l’a jamais fait auparavant.

 

Eliane glisse les esquisses et les croquis dans la valise .

Elle contemple une dernière fois le paysage et referme la fenêtre.

 

Ce matin, pour son dernier jour dans le quartier

– le mois d’Août se termine –

Eliane monte dire au revoir à Paul avec plusieurs lettres.

 

 

 

Rentrée oblige, quelques élèves ainsi qu’une dame plus âgée  l’entourent.

 

 « J’ai lu  cet été votre dernier livre », dit l’un,

« quand sortirez vous le prochain ? » dit l’autre …

 

Il tend la main d’un œil distrait pour prendre le courrier.

Il semble à Eliane qu’il a vaguement souri, puis lentement,

 

 

 

il se retourne vers son auditoire.

Le charme est rompu.

 

Paul est un très gentil voisin,

 

Elle a compris grâce à lui, qu’elle aussi pouvait être quelqu’un,

lire, comprendre, commenter des œuvres

 

En Novembre, Eliane a présenté quelques dessins à un concours

dans une revue spécialisée.

 

Et, surprise, elle a obtenu un prix.

 

Les enfants ont découvert avec stupéfaction que leur mère avait une vie en dehors d’eux,

et Simon l’a regardée curieusement,

c'est une femme différente ! 

 

 

Cet hiver, elle le sait, elle dessinera sa vie

 

 



04/02/2013
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