Le Bateau solitaire
Le Bateau Solitaire
Les Sables d’Olonne 1980
Ce bateau seul, là, sur la grève
Au mât s’ébrouant au zéphyr
A vu partir ses frères.
Il rêve
A sa journée sans avenir.
Au « Saint Jean », son plus proche ami,
Marin sorti dans la marée
Quand le soleil encore au lit
N’a pas éclairé la rosée.
Puis à l’essaim d’une famille
Qui prit d’assaut le « Perceval »
Les promenades émoustillent
Celui qui chante « oh hisse et oh »
Sandwich en main, mettant les voiles
En trinquant avec son bateau
Le pécheur crispé sur ses bouées
N’était pas d’aussi bonne humeur,
Cette ruée de vacanciers
Perturbe souvent son labeur.
Son bateau, ce jour, après tous
A pris la mer. Le moteur tousse
Il l’a bricolé pour partir,
Travailleur fier de revenir
Et rapporter dans ses filets
De quoi nourrir ces étrangers.
Le bateau solitaire
La journée sera longue au bateau solitaire.
Les corps morts se reposent et se chauffent au grand air.
Le vent est idéal à la voile et la planche
Et le ciel bleu se joue de quelques taches blanches.
La plage au loin renvoie l’écho d’enfants heureux,
Le bateau ne sait pas participer aux jeux.
Un ballon, tout à coup, est venu le surprendre
Et caresser sa coque. Il aurait voulu tendre…
Tendre quoi, après tout ? La vague lancinante
Avait déjà happé le jouet qui le tente.
Tout autour de lui bouge, rit, chante et brille,
Tout autour de lui vit, mais rien dans ses entrailles.
Et il assistera, impuissant, immobile,
Au retour de l’enfant chargé de pacotilles,
A celui du pécheur, dégageant du tramail
Crustacés et poissons…
Tout un monde fébrile.
Il voudrait vous conter la mer, ses travailleurs,
Le marin, le pécheur et l’ostréiculteur,
Mais il ne le peut pas puisqu’il n’a pas bougé.
Du corps mort où il vit, il n’a qu’imaginé
Là, tout se tait, le vent se couche,
La plage est vide, le sable frais,
Le clapotis est régulier,
Sur l’écoutille erre une mouche
Et notre bateau prend le quart.
Il bombe le torse et il compte.
Ils sont tous revenus ce soir
Ils sont là et, pour lui, racontent
Leurs aventures et leurs intrigues…
Emerveillé de leur fatigue,
Lui, ni vieux, ni usé, si fort,
Simplement oublié…
S’endort.
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